Humeur du jour : morose. Humeur globale : en dents de scie …
Franck est parti, ça y est … Ce matin, Ethiopian l’a ramené en France après deux ans de mission. D’un point de vue purement égoïste, juste fait chier … Je perds le seul normand de la mission, le seul mangeur de beurre assidu, la seule personne qui rigole tout le temps à mes blagues débiles, qui poussait autant de coups de gueule que moi(de préférence pas en même temps, sinon, personne ne peut nous modérer !!!) et surtout, surtout, le seul danseur de rock !!!!
Bon, je vais y arriver sans lui mais ça va être dur !
On a quand même fait ça bien pour son départ :
De Lubumbashi baby |
Atelier taboulé, salades en tout genre, oignons et poivrons avec Elise et Loïc de Bukama
De Lubumbashi baby |
Louis est heureux de nous présenter ...
De Lubumbashi baby |
le Cochon
De Lubumbashi baby |
Qui a fini en cotelettes ...
De Lubumbashi baby |
Paul et Noella, juste happy :)
Tout ça pour dire que le turnover, c’est fatigant ! On s’attache aux gens et ils partent … On est déjà dans un contexte émotionnellement pas simple alors ça en plus, ça en rajoute sur l’addition !! Rien à voir avec le turnover vécu avec Erasmus ou en stage ou à la Haye. Les conditions dans lesquelles nous vivons sont bonnes mais le travail est fatigant, nous sommes loin des gens que l’on aime, nous ne sommes pas dans notre « environnement naturel familier » … Tout ça joue sur le moral et les familiarités que l’on crée aident à tenir. C’est en tout cas le cas pour moi.
Enfin, entre les coups de gueule, les coups de mou, il y a quand même de nombreux bons moments :).
Un petit flashback : le 14 juillet. Moment hautement symbolique lorsque l’on est en expatriation à ce qu’il paraît. L’habitude de le fêter en Normandie, à Pont-Audemer, à siroter du pommeau en écoutant le concert sur la place de la mairie … ca laisse des traces ! Ici, rien de moins que l’invitation du consul honoraire de Lubumbashi pour fêter ça entre français, soyons franchouillards !!!
On le craignait et ils l’ont fait : deux jolis portraits encadraient le consul honoraire pour son discours : Sarko à droite et Kabila à gauche, le ton était donné. Bon, pour faire court, discours, long mais rigolo, du vin rouge, des pruneaux au lard (miam !!!) et de bonnes parties de rigolade avec Paul, Nico, Franck et Noella. Un peu guindé à notre goût, un directeur d’agence de surveillance nous a abordé et nous a direct tendu sa carte en nous demandant si nous cherchions des gardiens … Aïe, Aïe, Aïe, on a tous plus ou moins été pris d’un fou rire … Un peu malpoli le bonhomme …
Nous avons fini la soirée à danser pieds nus sur Mickael Jackson (oui oui, pieds nus car on était sur des talons hauts avec Noella et pour danser dans l’herbe, c’est quand même pas pratique). D’ailleurs, ces talons, je les avais achetés lors d’un sprint l’après-midi même avec Monique dans les boutiques du centre car la tenue de chez l’ambassadeur n’était pas prévue dans ma garde-robe !!!
D’ailleurs, autre chose qui n’était pas prévu dans ma garbe-robe : les quelques kilos que je prends depuis que je suis arrivée ici. A coup de repas entrée plat dessert, de resto, de bière, ça va vite !! Aucune privation à Lubumbashi, nous trouvons absolument tout … C’est scandaleux !! Du coup, on a tenté, avec Paul, de mettre en place des sessions footing, pas glorieux du tout … J’ai jamais pu tourner en rond autour d’un stade, je crois que ce n’est pas ici que je vais y arriver. On devrait songer à monter une équipe de basket :).
Dans le rayon personnalités, j’oubliais, nous avons eu l’honneur d’accueillir le directeur fondateur de Solidarités à Lubumbashi. Alain Boinet était présent après être passé à Kinshasa, où il a assisté à la soirée du 14 juillet chez l’ambassadeur de France au Congo. Solidarités y était à l’honneur, une expo photos sur nos activités au Congo était présentée lors de cette soirée. (pour voir les photos, prises en grande partie par Vianney Prouvost, roi du galopin, c’est ici ).
On a aussi vu Thierry Michel, le réalisateur de Katanga Business l ors d’une projection à la salle de l’assemblée provinciale. Conditions différentes de celles dans lesquelles j’avais vu le film à Paris, au quartier latin dans une salle minuscule ! Ici, assistance d’au moins 200 personnes, avec des applaudissements à l’apparition du Général (Mobutu) à l’écran. Assez impressionnant. Je ne connais pas encore assez bien l’Histoire du pays et le rôle du bonhomme mais dans mon esprit, pour le moment, c’est un peu celui qui a plié le Congo à genoux en détournant un maximum d’argent… Enfin, il faudrait que je lise un peu de littérature à ce sujet.
Question boulot … Ca se calme, enfin !! Je souffle, cela fait du bien. Les tuyaux sont arrivés à Lubumbashi, en cours de dédouanement, évidemment, mais ce coup-ci, on a sous-traité !! Me suis faite avoir une fois par l’OFIDA, pas deux !! Les semences sont presque toutes livrées (un contrat annulé pour cause de mauvaise qualité … mouarf !), les outils aussi et les motos sont livrées, deux en route pour Kalemie pour le rodage (organiser le rodage de 10 motos en brousse, c’est comique).
Autant dire que les programmes de Bukama et Nyunzu vont être enfin parés pour se lancer dans la phase la plus intense des activités. Cela n’aura pas été sans mal, avec les obligations de procédure, les retards, les contraintes. Kalemie, base qui gère une partie des achats pour Nyunzu, n’a plus d’électricité depuis deux mois. Cela devrait durer encore deux mois. Autant dire que les quelques activités industrielles qui existent dans la région de Kalemie sont stoppées nettes … Pourquoi est-ce que je vous raconte ça ? Tout simplement pour expliquer que je vous écris actuellement dans le noir, sauf avec ma petite bougie à droite que je surveille du coin de l’œil pour ne pas mettre le feu à la moustiquaire, mais aussi pour expliquer que cette coupure nous a contraint à revoir l’approvisionnement pour le ciment à destination des programmes de Nyunzu. En effet, nous devions nous fournir auprès d’une entreprise pas loin de Kalemie, Interlac. Mais cette entreprise a été contrainte de suspendre ses activités, faute d’électricité. De ce fait, Camille, le nouveau log support de Nyunzu a réussi à organiser un approvisionnement depuis la Tanzanie, sur l’autre rive du lac Tanganyika. Surcoût estimé : 5$ par sac. Pas énorme me direz-vous, sauf que nous avons acheté 1623 sacs … soit un peu plus de 8 000$ de surcoût. Pas simple l’affaire ! Enfin, on s’en sort, on tient les délais. Ouf ! Car la saison des pluies approche à grand pas. Je n’en ai pas encore vécu, mais pour ce que j’en ai entendu, il semble difficile de faire sécher de grosses buses en béton quand ça arrivera. Ca urge !!!! :)
La coupure d’électricité a d’autres effets qui sont malheureusement plus graves. Je suis à Kalemie depuis jeudi dernier. Depuis un mois y sévit une épidémie de choléra. Outre le fait que Kalemie est une zone endémique où les épidémies sont fréquentes, la coupure d’électricité contraint la regideso, équivalent de notre générale des eaux française, à limiter la distribution, faute de courant. De ce fait, certains quartiers ne sont plus du tout alimentés en eau potable. L’équipe de Kalemie a présenté avant-hier un projet de réponse d’urgence à cette crise, en proposant notamment du water trucking (transport d’eau potable par camions citernes) afin d’alimenter les hyper bornes fontaines qu’un de nos projets précédents avait mis en place dans certains quartiers de Kalemie. Dans l’attente du lancement de ce projet, l’équipe tente de faire en sorte que les sites les plus vulnérables soient alimentés en haut, notamment le centre de traitement du choléra (CTC). Le souci, c’est que nous n’avons pas les moyens logistiques ni les fonds pour lancer les opérations avant que notre projet ne soit accepté. On tente donc de faire en sorte que les acteurs ayant ces moyens agissent en attendant que nous le fassions. Stéphane, responsable de base à Kalemie, essaie donc de convaincre la MONUC d’alimenter le CTC avec ses camions citernes. La MONUC, c’est la mission de l’organisation des nations unies au Congo. Beaucoup d’hommes au Kivu et en Ituri et quelques bases encore au Katanga. J’avoue ne pas connaître exactement leur mandat. C’est une force de maintien de la paix mais je crois qu’ils ont également un mandat pour la protection des civils. Bref, au Katanga, vu qu’il n’y a pas de combats, je ne sais pas trop ce qu’ils font. Et quand ils répondent qu’ils ne peuvent pas livrer de l’eau au CTC parce qu’ils n’arrivent pas à joindre le chauffeur de la citerne, c’est un peu fort de café … Enfin, passons sur les problèmes de coordination sur le terrain dans les missions humanitaires, c’est un peu trop exaspérant et polémique.
Pendant que l’équipe tente d’organiser l’alimentation du CTC, la vie s’organise aussi pour que nous, pauvres expats, nous ayons de l’eau potable et de l’eau pour nous laver. Approvisionnement au lac, utilisation de l’eau de la regideso quand on en a au bureau, bref, c’est système D. Mais le fait est que l’on se rend rapidement compte à quel point l’eau est un élément essentiel et sensible.
Tiens, une belle illustration de tous les problèmes, de toutes les petites choses qui font la particularité de l’Afrique, c’est le bouquin Ebène de Kapucinski (ou qqchose comme ça, c’est un journaliste polonais). C’est la compilation de dizaines de petites anecdotes. C’est court, facile à lire et criant de vérité !
Ce livre illustre assez bien une sensation que j’ai ressenti plusieurs fois depuis que je suis ici, c’est cet élan étrange dans lequel se trouve l'Afrique, à mi chemin entre les traditions et la modernité. On a par exemple les emails avant les timbres ... Nous sommes allés nous balader à Likasi, une ville à deux heures de route au nord de Lubumbashi. J’ai été sidérée quand nous sommes passés devant la poste et que Dimo, le chauffeur, nous a dit que la poste ne fonctionnait plus depuis 1992 … En nous baladant dans Likasi, une ville plus petite que Lubumbashi, j’ai eu un ressenti général de désuétude, une espèce de splendeur du passé qui n’existe plus. Le temps colonial avait construit dans ces villes des bâtiments énormes qui aujourd’hui n’ont plus d’intérêts car ils ne sont plus entretenus ou qu’ils n’ont plus lieu d’être.
De Lubumbashi baby |
Likasi, les bains municipaux des belges, le temps figé il y a 50 ans ... (au fond, le plongeoir si on regarde bien)
De Lubumbashi baby |
Likasi, la poste en arrêt depuis nonante-deux
De Lubumbashi baby |
A Likasi, l'éternelle Simba avec Noella et Franck
Je me rends compte dans ces moments à quel point notre présence ici est étrange. Nous sommes en Afrique, nous vivons en Afrique, nous y travaillons mais nous ne vivons pas au rythme africain. Nous sommes toujours pris par le temps, contraint de faire tout vite. Alors que, comme il est décrit dans le livre Ebène, l’Afrique est dans certains cas caractérisée par l’oisiveté. Je n’ai jamais compté le nombre de personnes que j’ai pu croiser, posées sous un arbre ou sur un banc, en train de discuter ou juste en train de regarder la vie s’écouler. En Europe, je suis sûre que cela pourrait presque paraître suspect. Ici, les gens s’amusent de me voir galoper partout avec le sourire. Je me dis d’ailleurs parfois que je ne devrais pas « brusquer » autant les gens (« comment ça Mandé mes garnitures de frein ne sont pas arrivées ? Et mes câbles de bougie d’allumage, cela fait 3 mois qu’ils sont en commande !! » « mais Madame Marie, on aura ça la semaine prochaine » « Augui (pour Augustin), cela fait 3 semaines que tu me dis ça, moi j’en ai marre !! »). En même temps, c’est sans rancune, ils savent très bien que je n’ai pas d’autres choix. Je dois attendre… Encore heureux que je puisse râler, sinon, je pèterais une pile !!!
Mais c’est vrai que ce genre d’événements me fait me poser des questions. On dit souvent que l’Afrique ne s’en sortira pas faute de le vouloir réellement. A voir le Katanga qui regorge de ressources, on se demande pourquoi aucune industrie n’existe ici. Tout est importé. De Zambie, de Chine, de Tanzanie… Vu les ressources, la Province aurait de quoi développer une activité économique importante, de renouveler ses infrastructures … Tout ce qu’on voit comme infrastructures, cela date des belges ou presque… Ca a donc au mieux 50 ans d’âge. On ne parle bien évidemment pas du train. Camille a eu à se frotter à la SNCC. Trois wagons chargés à ras bord, l’un d’eux uniquement qui part. On se demande parfois comment s’est possible, que c’est nécessairement fait exprès. Mais je crois que c’est juste un je-m’enfoutisme avancé … Et dans ces moments là, je sais que beaucoup de monde se pose la question « mais pourquoi faites-vous ça ? Pourquoi poussez-vous pour que des choses se fassent si en face les gens n’en ont simplement rien à faire ? ». Tout simplement parce qu’on est payé pour ça, que c’est tous les programmes qui sont stoppés si les achats et les transports ne se font pas correctement. Beaucoup d’énergie donc pour organiser des trucs qui peuvent autrement paraître extrêmement simples. Certains détails, comme le nom d’une personne sur un document de transport, comme le calcul des taxes, comme les interlocuteurs peuvent nous faire perdre jusqu’à un mois en cumulé …
Forcéménent, face à ça, la fatigue s’accumule et c’est du fond de mon lit que j’écris. Suis malade depuis lundi (nous sommes jeudi). J’étais à Kalemie (cf le début du post) et je suis à nouveau à Lubumbashi, rappatriement par précaution hier en avion (en attendant l’avion, j’ai vu le mont saint michel flotté au dessus du Lac Tanganyika, une expérience incroyable !!!). Examens sanguins en cours pour qu’on sache ce que j’ai. Grosses poussées de fièvre, mal partout donc gros doutes sur un potentiel palu. A suivre, résultats normalement cet après-midi. Mais tout ça pour dire que j’ai un peu trop tiré sur la corde (étonnant) et que je le paie !
Mais bon, j’ai dû un peu provoquer les choses le week-end dernier. Soirée de départ de Vincent à Kalemie, le coordo log de Médecins du monde (MDM) sur la zone. Après un bon repas (poissons du Tanganyika :)), direction la kermesse de Kalemie. Vincent et Nicolas nous avaient prévenues, Julie et moi, que c’était spécial. Ah bah oui, 10 stands, tous avec leur propre son à fond, tout ça sur 1000m² au maximum, ça donnait un joyeux tintamarre. On s’est retrouvé à danser congolais sous une tente. Une nouvelle fois « mais madame Marie, moi je vous aime, pourquoi ne voulez-vous pas m’épouser ? » « mais papa, je suis déjà mariée en France » « oui mais tu es au Congo là »… bref, c’est sans fin et heureusement, Vincent pas loin pour me rattraper et me faire danser. Ils sont gentils mais parfois un peu lourd les papas :D.
Une fois que l’on en a eu marre de la musique congolaise, direction le stand de docteur Franck (une institution de Kalemie dont il faudrait aussi que je parle …) et là, on a branché les ipods et autre MP3 qu’on avait dans les poches. Et ça a été juste la folie … Imaginez trois ou quatre blancs, un peu survolté, qui se mettent à danser comme des dingues sur du hip hop ou de l’électro, une quinzaine de congolais qui arrivent et qui nous regardent, complètement baba … Et les plus audacieux qui viennent danser avec nous. Juste une expérience à part … Enormissime ! On a fini tard… Fatigue quand tu nous tiens ! Pour récompense, une angine et du repos forcé… mouarf ! lol
Pffff, j’ai toujours pas fini les différents trucs que je note en une phrase et que je veux développer mais je vais m’arrêter là.
Merci de m’avoir lu, vous me manquez tous terriblement. Le break 3 mois approche (dans une ou deux semaines), le départ de Sylvain, mon coordo aussi (le 12 septembre). Je commence à réfléchir à mes dates. Je pensais pouvoir aisément prolonger au-delà des 6 mois. Mais je fatigue, le manque de la France, le turnover, tout ça me fait me poser des questions (Marie et ses questions existentielles, le retour).
N’hésitez pas à me donner des nouvelles, je ne réponds pas toujours longuement aux mails mais voilà, avec ce post, j’espère calmer le mécontentement qui gronde chez certains =p.
Je vous embrasse tous très fort entouka. A très bientôt !
PS: il reste bien sûr les rencontres surprenantes au coin d'une rue
De Lubumbashi baby |
PS1: le temps file, Makali grandit !!
De Lubumbashi baby |
PS3: test palu ok, angine + indigestion: en cours ... lol Mais tout va bien !!!